Si tu veux la paix, organise-la ! 

Beaucoup de commentateurs perdent pied de nouveau en ce moment à propos d’Ukraine et de Russie. Peu de discussions portent sur des questions concrètes. Toutes semblent donc se limiter à des surenchères pour être identifié dans le camp des gentils à tout prix. C’est-à-dire anti-russe. Aucun des tourments de l’enfer ne semble devoir leur être épargné. Hélas les portes de la raison se referment déjà. L’autre soir, un historien se demandait sur le plateau de BFM si l’on ne serait pas dans un moment de « déni de défaite » tant les commentaires semblaient aux mains des va-t-en-guerre de salon. Il ne fut pourtant pas lynché sur place comme cela aurait été le cas trois jours plus tard. Mais on était encore dans les premières heures de la stupeur après la réunion Zelensky-Trump. La stratégie du non-alignement que nous portons semblait presque à l’ordre du jour sous le choc de la rupture provoquée par Trump. C’est en effet la seule alternative proposée à cette heure.

Il m’a paru important de résumer dans un même post les prises de position formulées par les Insoumis avant l’ouverture du conflit armé et depuis les trois ans de la guerre d’invasion de la Russie. Et je le rappelle : nous avons été dès sept heures du matin, les premiers parmi les partis de gauche à formuler la condamnation ce 24 février-là. Et bien sûr les premiers et les seuls à en annoncer le risque en 2008 quand, à Budapest, l’Union européenne annonçait la prochaine adhésion de la Géorgie et de l’Ukraine à l’Otan. La stratégie du non-alignement constitue notre approche de la paix à laquelle chacun aspire sur place après un million de morts et en Europe, avant qu’il n’y en ait davantage par l’effet dominos des alliances.

Mais il est utile de rappeler quelle serait notre réponse à la situation si nous gouvernions notre pays. Cela permet de savoir que le monde ne s’arrête pas aux fanfaronnades guerrières.

Sans la présence de l’Ukraine, il ne peut y avoir de paix discutée ou décidée. C’est-à-dire sans ses représentants légitimes négociant et signant les engagements qui résulteront de la discussion. Ce qui implique la conclusion en premier lieu d’un cessez-le-feu le plus rapidement possible pour éviter de mettre la situation dans la main de ceux qui veulent continuer les tueries. La paix commence par la sécurisation et l’immunité dans le droit au retour des réfugiés et des fuyards. Cela incluant les opposants à la guerre et les déserteurs. Et dans la mesure où l’enjeu de la guerre a été des territoires et leurs populations, aucun arrangement à ce sujet ne devrait être accepté sans consultation par vote de ces populations concernées. Cela sous l’égide de l’ONU et un contrôle international. Évidemment on doit accepter l’idée que des garanties mutuelles de sécurité soient convenues entre Ukrainiens et Russes et assumées par les protecteurs de l’accord. Cela doit inclure le fait que l’Ukraine n’intègre pas l’Otan si elle existe encore. En toutes hypothèses, si des troupes devaient être déployées pour s’interposer et garantir la paix, elles ne pourraient l’être que sous l’autorité de l’ONU et sous son commandement militaire.

Évidemment une telle paix ne se conçoit pas sans des mesures concrètes pour réparer au moins les menaces constantes. Ici il faut penser au déminage de la mer Noire et celui des zones de guerre. Aujourd’hui elles sont submergées de mines russes et américaines, aucun de ces deux pays n’ayant signé la convention internationale contre les mines antipersonnel. Et l’Ukraine qui l’a signée est passée outre. 

Il est juste de dire que la paix en Ukraine est une question qui intéresse toute l’Europe pour des raisons elles aussi très concrètes. C’est le cas des garanties concernant la sécurité des centrales nucléaires ukrainiennes. Mais d’une façon plus générale, concernant les questions laissées pendantes depuis l’invasion dans la région et plus largement, le moment serait propice pour organiser une conférence des frontières sous l’égide de l’OSCE. Ce serait la manière préventive de prendre en compte les conflits existant et résoudre ceux qui s’enkystent. Il faut le faire avant que la méthode des Russes, de Netanyahu, du Rwanda, de l’Azerbaïdjan, ne fasse école pour régler ce qui est en crise à l’heure actuelle encore aux frontières de la Géorgie ou de la Moldavie par exemple. Il semble que ce serait au total l’occasion de donner aux nations de l’Union européenne des garanties de sécurité mutuelle très importantes comme la reprise du traité FNI à propos des missiles de portée intermédiaire (500 à 5000 kilomètres). Il les interdisait. Américains et Russes l’ont abrogé alors qu’ils garantissaient que l’Europe ne serait plus jamais un espace de combats guerriers. Avec la décision irréfléchie de François Hollande en 2012 d’accepter l’installation de missiles anti-missiles en Pologne, la sécurité de 75 % du territoire russe a été mise sous tension. Et, bien sûr, cela a été un élément de l’escalade commencée à Budapest en 2008 quand il fut déclaré que la Géorgie et l’Ukraine pourraient adhérer à l’OTAN.

Le bon respect par tous, et notamment la Russie, de la destruction des armes chimiques convenue depuis l’accord de Paris en 1993 devait être aussi sur la table. Et pourquoi ne pas reprendre la discussion sur le contrôle et la destruction des armes biologiques ! Au total, l’idée est pour nous d’utiliser la bataille pour la paix en Ukraine comme un levier pour pacifier la scène européenne en profondeur.

Dans notre esprit, l’alerte actuelle doit être une occasion de procéder à une révision de la situation spécifique de la France. Les Français doivent se donner tous les moyens de garantir la sécurisation de toutes leurs nombreuses frontières dans le monde. Sur l’Oyapock et le Maroni, dans l’océan Indien et dans les Caraïbes, dans l’Antarctique comme dans le Pacifique, la France est-elle maîtresse de sa situation ? Je ne le crois pas. Elle ne l’est déjà pas sur ses points de vulnérabilité dans l’Hexagone, comme par exemple avec les cibles que sont ses centrales nucléaires, notamment dans les régions vitales du pays… Et elle ne l’est pas davantage en ce qui concerne la maîtrise de ses lignes d’approvisionnement. Là aussi il nous faut une revue de souveraineté.

Mais ces mesures pratiques et simples à exécuter ne seraient rien sans que le pays ait été saisi des questions de fond qui semblent devoir être tranchées sans débat et par un seul homme. S’il s’agit d’inclure sous parapluie nucléaire d’autres pays, cela ne peut se faire sans que le peuple soit consulté. Après tout, c’est lui qui assumerait le risque alors créé.

Et plus largement n’est-il pas temps d’avoir la discussion qui permette d’examiner les stratégies alternatives aux logiques guerrières concurrentes d’aujourd’hui ? La diplomatie altermondialiste proposée par les insoumis est à son heure aujourd’hui. C’est-à-dire l’idée de fédérer des non-alignés dans la conduite de causes communes. Des causes d’intérêt général humain. Celles que mettent à l’ordre du jour les conséquences du changement climatique par exemple. Celles qui se présentent dans le futur humain immédiat : le cycle de l’eau, l’exploration de l’Espace, l’administration humaine des grands fonds marins, l’accès, la propriété et la liberté de la sphère numérique. Cela nous conduirait sans doute à interroger la base des raisonnements aujourd’hui en circulation : la guerre est-elle la priorité ? L’endettement pour la guerre est-il autre chose qu’une subvention à l’économie capitaliste en impasse ? Les besoins humains peuvent-ils être satisfaits sans nouveaux progrès d’éducation, de santé, de création ? 

Je ne saurais finir sans rappeler l’absurdité qu’est l’abandon des entreprises en difficulté dont les productions impliquent directement l’autonomie de Défense (mais pas que) de notre pays pour des produits stratégiques. 

Encore une fois disons que les questions de Défense et de souveraineté sont certes complexes mais qu’elles le deviennent beaucoup moins quand on part des faits concrets et des besoins réels. Mais pas quand on cherche à tirer gloriole du danger par des « coups de com » qui peuvent souvent aggraver les problèmes qu’on dénonce.

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